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Toujours dans la surenchère maladroite et mélodramatique, le président de la République a annoncé mercredi soir, lors du dîner du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), que tous les enfants de CM2 se verront confier à partir de la rentrée 2008 la mémoire de l'un des 11 000 enfants français victimes de la Shoah.
Face à la polémique déclenchée immédiatement par sa proposition, Nicolas Sarkozy a défendu aujourd'hui son idée, dans le français élégant que nous lui connaissons : "A un enfant, on doit lui dire la vérité" et "on ne traumatise pas les enfants en leur faisant ce cadeau de la mémoire d'un pays", a-t-il opiné notamment.
Là-dessus, Simone Veil se fâche. Fort. Désavouant clairement le président, elle a confié à L'Express : "A la seconde, mon sang s’est glacé". Et d'argumenter :
"C’est inimaginable, insoutenable, dramatique et, surtout, injuste. On ne peut pas infliger cela à des petits de dix ans! On ne peut pas demander à un enfant de s’identifier à un enfant mort. Cette mémoire est beaucoup trop lourde à porter. Nous mêmes, anciens déportés, avons eu beaucoup de difficultés, après la guerre, à parler de ce que nous avions vécu, même avec nos proches. Et, aujourd’hui encore, nous essayons d’épargner nos enfants et nos petits-enfants. Par ailleurs, beaucoup d’enseignants parlent -très bien- de ces sujets à l’école".
La LICRA : "L'enseignement de l'histoire par l'émotion"
Mme Veil pense que, de surcroît, la suggestion du président de la République risque d’attiser les antagonismes religieux : "Comment réagira une famille très catholique ou musulmane quand on demandera à leur fils ou à leur fille d’incarner le souvenir d’un petit juif ?"
De son côté, l'Union des étudiants juifs de France (UEJF) a accueilli "de manière réservée" la proposition de Nicolas Sarkozy et "craint que cette initiative ne soit contre-productive": "Ce n'est pas en s'identifiant à la victime qu'on fera reculer le racisme et l'antisémitisme d'aujourd'hui et de demain. On ne peut pas prescrire la mémoire pour prévenir l'oubli".
Quant à la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA), elle affirme que "l'enseignement de l'histoire ne saurait passer prioritairement par le recours à l'émotion car cela conduit à tous les anachronismes et confusions".

Je n'ai malheureusement pas le temps de saisir le dossier dans toute sa complexité. Mais ignominie pour ignominie, allons y. Les enfants de l'école pourraient aussi parainner la mémoire d'un enfant de sans papier expulsé. Je dit cela avec une grande prudence, tant le sujet est sensible, complexe. Le fait qu'une personne de la qualité de Simone Veil s'insurge en employant les mots qu'elle emploie devrait nous faire refléchir.